Les fables de la fontaines
FABLES LIVRE 1
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LIVRE PREMIER FABLE I LA CIGALE ET LA FOURMI La Cigale, ayant chanté Tout L'Été, Se trouva fort dépourvue Quand la Bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. « Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Août, foi d'animal, Intérêt et principal. » La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. « Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise : Eh bien! dansez maintenant. »
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FABLE II LE CORBEAU ET LE RENARD Maître Corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage : « Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces Bois. » A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s'en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui j'écoute. cette leçon vaut bien un fromage sans doute. » Le corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
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FABLE III LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BOEUF Une Grenouille vit un Boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille Pour égaler l'animal en grosseur, Disant : « Regardez bien, ma soeur, Est-ce assez ? dites-moi : n'y suis-je point encore ? - Nenni. - M'y voici donc? - Point du tout. - M'y voilà ? - Vous n'en approchez point. » La chétive pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout