les fables
1. La Cigale et la fourmi1
La Cigale2, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau3.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi4 sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût5, foi d'animal6,
Intérêt et principal7. »
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut8.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse9.
– Nuit et jour à tout venant10
Je chantais, ne vous déplaise.
– Vous chantiez ? j'en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant. »
2. Le Corbeau et le Renard11
Maître12 Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage13.
Maître Renard, par l'odeur alléché14,
Fable inspirée d’Esope.
Seule apparition de cet animal qui dans l’Antiquité symbolisait le poète insouciant.
3 Petit ver.
4 Modèle traditionnel d’économie domestique.
5 Epoque de la moisson ; orthographe conforme à la prononciation et non à l’étymologie.
6 Parodie de serment solennel.
7 Capital.
8 Comprendre qu'elle n'a pas ce défaut : elle est tellement économe que la bienfaisance fait partie du gaspillage.
9 Le féminin, inusité, est burlesque.
10 A toute occasion, ou pour toute personne se présentant.
11 Inspirée d’Esope et de Phèdre. La fable reprend le thème ancien et fréquent des dangers de la vanité.
12 Emploi ironique de l’appellation courante d’un notable non noble. 13 Dans certaines versions anciennes, le corbeau tient de la viande. 14 Le terme, déjà vieilli, semble avoir été remis en usage par la fable elle-même.
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du15 Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage16
Se rapporte17 à votre plumage,
Vous êtes le Phénix18 des hôtes de ces bois. »
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et