Les femmes savantes
Acete V scene4
Ariste
J'ai regret de troubler un mystère joyeux
Par le chagrin qu'il faut que j'apporte en ces lieux.
Ces deux lettres me font porteur de deux nouvelles,
Dont j'ai senti pour vous les atteintes cruelles :
L'une, pour vous, me vient de votre procureur ;
L'autre, pour vous, me vient de Lyon.
Philaminte
Quel malheur,
Digne de nous troubler, pourroit?on nous écrire ?
Ariste
Cette lettre en contient un que vous pouvez lire.
Philaminte
Madame, j'ai prié Monsieur votre frère de vous rendre cette lettre, qui vous dira ce que je n'ai osé vous aller dire. La grande négligence que vous avez pour vos affaires a été cause que le clerc de votre rapporteur ne m'a point averti, et vous avez perdu absolument votre procès que vous deviez gagner.
Chrysale
Votre procès perdu !
Philaminte
Vous vous troublez beaucoup !
Mon coeur n'est point du tout ébranlé de ce coup.
Faites, faites paroître une âme moins commune,
A braver, comme moi, les traits de la fortune.
Le peu de soin que vous avez vous coûte quarante mille écus, et c'est à payer cette somme, avec les dépens, que vous êtes condamnée par arrêt de la Cour.
Condamnée ! Ah ! ce mot est choquant, et n'est fait
Que pour les criminels.
Ariste
Il a tort en effet,
Et vous vous êtes là justement récriée.
Il devoit avoir mis que vous êtes priée,
Par arrêt de la Cour, de payer au plus tôt,
Quarante mille écus, et les dépens qu'il faut.
Philaminte
Voyons l'autre.
Chrysale lit.
Monsieur, l'amitié qui me lie à Monsieur votre frère me fait prendre intérêt à tout ce qui vous touche. Je sais que vous avez mis votre bien entre les mains d'Argante et de Damon, et je vous donne avis qu'en même jour ils ont fait tous deux banqueroute. O Ciel ! tout à la fois perdre ainsi tout mon bien !
Philaminte
Ah ! quel honteux transport ! Fi ! tout cela n'est rien.
Il n'est pour le vrai sage aucun revers funeste,
Et perdant toute chose, à soi?même il se reste.
Achevons notre