Les fonctions du roman
Une sagesse est-elle possible face à la mort ?
Eric Delassus Dans la Lettre à Ménécée, le sage Épicure nous dit qu'il est urgent de philosopher : « Quand on est jeune il ne faut pas remettre à philosopher, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser de philosopher. Car jamais il n'est trop tôt ou trop tard pour travailler à la santé de l'âme. »1 Cette urgence a pour cause essentielle le fait que nous soyons mortels et que la peur de la mort est la cause de tous nos maux, cette crainte est en effet à l'origine de toutes les illusions qui nous font devenir le plus souvent les artisans de notre propre malheur. Car en effet la mort peut nous surprendre à tout moment, il ne peut donc être question d'attendre pour rechercher la sagesse qui est chez Épicure synonyme de bonheur, or comme il n'y a pas d'âge pour être heureux, il n'y a pas d'âge pour philosopher et se libérer de toutes les illusions nourries par la crainte de la mort. Si bon nombre d'entre nous se rendent malheureux en courant après un bonheur illusoire, c'est qu'ils sont en quête d'une immortalité qu'ils n'atteindront jamais et qui ne peut donc être source de bonheur. Richesses, honneurs, accumulation de plaisirs non nécessaires et non-naturels ne sont que des leurres par lesquels nous croyons vaincre l'angoisse de la mort qui revient toujours tant que nous n'avons pas fait le choix de philosopher pour atteindre la sagesse véritable. Pour se guérir de ce mal il nous faut considérer que la mort n'est rien pour nous, la mort étant conformément au matérialisme d'Épicure désagrégation du corps et de l'âme (qui elle-même est matérielle et composée d'atomes), avec elle disparaît toute sensibilité et donc toute souffrance, de quoi pourrai-je donc avoir peur si la mort est la fin de toute sensation ? Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d'horreur, la mort, n'est rien pour nous puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et que, quand la mort existe nous ne sommes plus.