Les frontières
NOUVELLES DU FRONT
On les croyait estompées et voilà qu’elles reviennent, agressives, démultipliées et souvent contrefaites en murs infranchissables. Commençons par un relevé de positions, au fil des temps et des lieux.
Actualité et permanence des frontières par Michel Foucher
La frontière est l’objet géopolitique par excellence, car elle manifeste le plus clairement l’articulation étroite entre le politique et le territoire. À quoi servent les frontières ? Quelles sont leurs fonctions ? Une frontière est une ligne de partage de souverainetés : c’est là qu’expire une souveraineté, nous disent les juristes du droit international, et qu’en commence une autre. Même si l’on passe de Strasbourg à Kehl sans s’arrêter, arriver en Allemagne signifie aborder un pays fédéral, avec une autre histoire, une autre culture, etc. Les frontières et les discontinuités territoriales ne disparaissent pas. Ce sont les fonctions des frontières qui changent. Ainsi, en Europe, s’effacent certaines fonctions de barrières.
Michel Foucher est géographe et diplomate, professeur à l’École normale supérieure de Paris depuis 2007, membre du Conseil des affaires étrangères a été conseiller d’Hubert Védrine (1997-2002), directeur du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères (1999-2002), ambassadeur de France en Lettonie (2002-2006) et commissaire de l’exposition Frontière(s) Lyon, Barcelone, Lille (2006-2007). Dernier livre paru : L’Europe et l’avenir du monde, Odile Jacob, 2009.
Territoire et conflit par François-Bernard Huyghe
Pas de guerre sans frontière, pas de frontière sans guerre (au moins comme péril à exorciser). Dans son étymologie française, « frontière » est un concept militaire. Apparu en 1213 pour désigner une armée qui établit sa ligne de front, le mot renvoie à la limitation entre deux États à partir de 1360. Cette ligne invisible sert d’isobare entre puissances et