Les grandes chroniques de France
C’est vers 1250 que le roi Louis IX, ou saint Louis, commande à un moine de Saint-Denis, Primat, un énorme travail : réaliser une chronique de la monarchie française, véritable compilation d’œuvres latines antérieures, mais rédigée en français, en « roman » langue vulgaire parlée par les laïcs, langue du plaisir et du commun. Primat appelle son livre le Roman des Rois, car il s’agit pour lui de "fere cognoistre […] la geste des rois". Il rétablit les Capétiens dans la droite lignée de Charlemagne, suivant en cela les préoccupations du souverain qui, au même moment, procède à la réorganisation des tombes royales dans l’abbatiale. Car les liens sont étroits entre les rois de France et l’abbaye de Saint-Denis, où sont enterrés la plupart des souverains capétiens et conservés les regalia, les insignes de la royauté : la couronne, le sceptre, l’épée, la main de justice.
Œuvre décisive puisqu'elle bénéficiait de l'autorité royale qui l'avait commandée et approuvée, le Roman des Rois fut terminé en 1274 et offert à Philippe III le Hardi, la caution royale rendant l'œuvre de Primat authentique et lui conférant ainsi le caractère d'une vérité officielle que nul ne pouvait mettre en doute.
Passée cette date elle fut continuée par de nombreux auteurs, dont tous ne nous sont pas connus, mais imprimant à chaque fois leur marque personnelle dans cette œuvre monumentale, éminemment collective, à travers laquelle il s'agira de rendre accessible à un plus grand nombre l'histoire de la France, jusque là réservée aux plus érudits.
Mais peut-on pour autant parler de « démocratisation » de l'histoire ? Le problème de diffusion des écrits au Moyen-Âge y fait évidemment obstacle, mais nous voyons ici qu'un nouveau problème est soulevé : celui de la conception de l'histoire au Moyen-Âge. Comment était-elle considérée, qu'elle était son influence, quels but poursuivaient les historiographes à cette époque ? Il s'agira en effet de tenter de démêler le