Les impérialismes
Dans son cours d’introduction, Chanet a insisté sur les écarts entre les siècles numériques et les siècles historiques. La première guerre mondiale a marqué un changement d’époque, au point, que les années vingt ont vu les français désigner comme «la belle époque » les années et mêmes les décennies qui l’avaient précédée et qui avaient pourtant été jalonnées de crises et de conflits. Dès lors, s’est imposée l’idée que 1914 avait marqué la fin véritable du XIXème siècle. Ce qui n’empêche pas, de nos jours encore, les historiens de parler de « tournant du siècle » pour désigner la période comprise entre les dernières années 1890 et les premières années 1900, en respectant le sens arithmétique du terme. Ces variations montrent d’abord que le parti historiographique en faveur d’un long XIXème siècle a sa source dans un sentiment communément partagé (celui qu’exprimait par exemple Guillaume Apollinaire dans le poème ci-contre). Ce sentiment de rupture n’exclut pas de la part des historiens, la mise en lumière sous le nom de « tournant de siècle » de ce qu’en géographie militaire on appellerait une « région de marche », c’est à dire une zone frontière où apparaissent des signes annonciateurs, des facteurs préparatoires. Bien sûr, ces signes, ces facteurs ne nous apparaissent tels parce que nous connaissons la suite et que nous avons tendance à aborder de façon régressive un temps communément désigné comme celui de l’«avant–guerre». Or il est de bonne méthode de reconnaitre la part de la contingence dans le processus qui a conduit en 1914 au scénario qui avait toujours été évité depuis 1815. A savoir, l’incapacité du concert européen à trouver une issue diplomatique à un conflit localisé. Si l’on ne doit pas considérer que l’affrontement généralisé entre les puissances était comme programmé pour cette date, on peut réfléchir à ce qui l’a rendu possible, non pas seulement dans les semaines ou les mois qui l’ont