Les intellectuels pendant l'affaire dreyfus
L’Histoire ou la vérité
Pour une certaine idéologie, l’action est antérieure à l’idée, la pratique domine la théorie, l’Histoire impose irrévocablement ses directives. Pour l’affaire Dreyfus, les faits, les documents ont accablé le capitaine. La foule vindicative avait désigné le coupable, la classe politique dans son ensemble se rangeait derrière la nation vociférant contre la traîtrise abjecte. Le bouc émissaire devait alors s’effondrer sous le poids insupportable d’une évidence douteuse, de l’opinion publique et de la raison d’Etat.
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L’Histoire était en marche, qui épargnait le nombre aux dépens de l’individu. Totalisante, elle pouvait se satisfaire d’une réalité malléable, nationaliste, englobante. Dreyfus condamné, déshonoré et transféré en avril à l’île du Diable, à Cayenne en Guyane, l’affaire semblait enterrée, définitivement. L’honneur de la nation était préservé et les pulsions collectives apaisées. Malgré ce consensus général, de nombreuses voix allaient s’élever. Savants, universitaires, journalistes... La figure de l’intellectuel en maturation s’éveillait effectivement afin d’opposer des valeurs universelles et principes fondamentaux à l’aveuglement de l’histoire et du factuel. Le ‘J’accuse’ de Zola publié dans le journal L’Aurore par Clemenceau, suivi d’une pétition arborant de prestigieux signataires, Proust, Durkheim, Monod, Anatole France ou Daniel Halévy allaient malmener la sérénité d’une société malade de son aveuglement et de son amnésie. Une erreur judiciaire devint alors l’objet d’une lutte insatiable transcendant les particularismes et les intérêts politiques ou idéologiques au nom d’un principe suprême, inégalable : la vérité.
Le particulier et l’universel
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Qu’étaient les antidreyfusards, si ce n’est des antisémites flagrants (sous la figure entre autres de Drumont ou de Barrès), des nationalistes