Les mille et une nuits
27
N° 4 - LA LETTRE
Dites : ‘les Mille et une Nuits...’, les yeux se ferment, les pensées s’envolent, les coeurs s’emballent, l’imagination vous emporte : vous êtes loin, vous êtes ailleurs, vous êtes autre.
Magie des Mille et une Nuits... ! Nous savons le pouvoir évocateur de ces mots :
Mille et une Nuits, chiffre mystère, en effet
: mirage des zéros, prestige des nuits, poésie de l’impair ; on peut tout tirer des Nuits, tout leur faire dire : elles sont l’imaginaire.
Rien, songeons-y, ne nous aurait été donné de l’inaccessible rêve des Nuits sans
Antoine Galland. Comment ne pas essayer de l’imaginer, lui, l’homme de l’imaginaire, et qui sait ? de capter à notre tour celui qui nous tient si captifs par son œuvre maîtresse ? Antoine Galland, que sait-on de lui, en fait ?
Célébrité et invisibilité
Hors l’énorme travail scientifique, conduit par Mohamed Abdel Halim’, nous possédons peut-être aussi, de Galland, un tableau, découvert à la Bibliothèque
Nationale. Mais est-ce bien le visage d’Antoine Galland ? Il s’agit d’un portrait, gravé par Morel, d’après Rigaud
(Hyacinthe Rigau y Ros, dit Hyacinthe) connu comme peintre d’histoire au
XVII
e siècle, devenu maître du portrait d’apparat, après avoir reçu le titre de peintre des rois Louis XIV (1694) et Louis XV
(1727). L’on sait que son important atelier lui a permis de satisfaire à la demande de tous les grands personnages du temps, hommes surtout : son Louis XIV et son
Bossuet sont plus que renommés. Mais cette oeuvre peinte fait problème : il s’agirait d’un Jean Antoine Galland et non d’Antoine Galland ; la date est à ma connaissance non précisée, et la vie d’Antoine Galland laisse peu d’apparence à ce que ce dernier ait eu les moyens, en temps et en argent, de se faire portraiturer.
Bref, nous ne connaissons rien de lui, ou presque rien, sauf les Mille et une Nuits.
Lui n’est personne ; il n’existe pas, dévoré par son oeuvre, ce monument de la