“Les mouches” (1943) Drame en trois actes Sous une fausse identité, Oreste, qui est âgé de vingt ans, revient avec son pédagogue dans sa ville natale, Argos, dont il ignore tout, qu’il voit assaillie par des millions de mouches qui tourmentent ses habitants et sont le symbole des remords qui les rongent à la suite de l’assassinat de leur roi, Agamemnon, par sa femme, Clytemnestre, et son amant, Égisthe, la petite fille, Électre, étant restée, réduite à l’état de servante, tandis qu’on a éloigné de la ville le petit garçon. C’est Jupiter qui le lui raconte, mais Oreste a été élevé dans l'irresponsabilité pour jouir de la vie tout en restant détaché comme le lui rappelle son précepteur : «À présent vous voilà jeune, riche et beau, avisé comme un vieillard, affranchi de toutes les croyances, sans famille, sans patrie, sans religion, sans métier, libre pour tous les engagements et sachant qu'il ne faut jamais s'engager, un homme supérieur enfin.» Ne songeant qu'à demeurer dans cette position indécise, il ne veut «pas d'histoires». Pourtant, il éprouve un malaise : s’il est libre, si rien ne le contraint, rien ne lui appartient non plus, sa liberté reste vide et il se demande s'il vit vraiment : «Mais quoi? Pour aimer, pour haïr, il faut se donner. Il est beau, l'homme au sang riche, solidement planté au milieu de ses biens, qui se donne un beau jour à l'amour, à la haine, et qui donne avec lui sa terre, sa maison et ses souvenirs.» Les êtres humains, qui, eux, ont leurs problèmes, semblent des étrangers à ce jouvenceau qui n'en a pas. Se sentant loin de la vie, Il envie leur affairement, il voudrait devenir homme parmi les hommes : «Ah ! s'il était un acte, vois-tu, qui me donnât droit de cité parmi eux... dussé-je tuer ma propre mère». Il voudrait connaître ce contact avec la réalité qui donne son emploi à une liberté abstraite ; il veut se mêler aux êtres humains, partager la chaleur et la solidarité humaines qui pourraient donner un contenu, une