Les muses orphelines
Premier acte
Scène 1
Le Samedi saint. Fin de l’après-midi.
Catherine fait l’inventaire d’une valise de femme.
CATHERINE. Trois foulards, trois foulards rouges, deux blouses avec des motifs…
ISABELLE, entrant du dehors avec un sac. J’ai oublié l’heure.
CATHERINE. La porte! Maudit sable! On va finir enterrées vivantes…
Catherine ferme la porte.
ISABELLE. Ça prend une demi-heure, aller au village à pied.
CATHERINE. C’pas un balai que ça prend pour faire le ménage icitte, c’t’une pelle.
ISABELLE. J’ai acheté ton jambon. (Silence.) J’ai oublié l’heure. Ça arrive.
CATHERINE. Vingt-sept ans pis pas capable de fermer une porte. T’attends-tu que la savane rentre en entier dans maison avant de te décider à fermer ta porte? J’te dis que je l’ai eu le bel héritage! Dix âcres de sable avec un maison sus l’boutte d’une colline que meman avait donc raison d’appeler le calvaire. Dix âcres de sable avec du vent, du frette, pis une fille de vingt-sept ans qu’y est pas encore capable de fermer une porte.
ISABELLE. J’ai acheté ton jambon.
CATHERINE. Y a dû te rester de l’argent.
Isabelle le lui rend.
ISABELLE. Le jambon a coûté une piastre vingt-trois. Tu m’as donné une piastre et cinquante. Tiens tes vingt-sept cennes. (Elle les donne à Catherine. Catherine retourne à son inventaire.) Tu cours pas les cacher. Y faudrait que tu m’achètes un fusil. Promener d’la grosse argent comme ça dans l’rang, c’est risqué.
CATHERINE. Tu me donneras ton chèque de paye. T’es en retard pour ta pension. Une… trois… six paires de bas.
ISABELLE. On a pas eu de visite pendant que j’étais partie?
CATHERINE. Sers-toi de ta tête! Quand y passe un char dans l’rang c’t’un évènement.
ISABELLE. Arrête de m’écoeurer, Catherine. J’ai oublié l’heure!
CATHERINE. Sortir déshabillée comme ça. En plein dégel! (Sience) « En avril, ne te découvre pas d’un fil… »
ISABELLE. « …En mai, reste enfermé. Juin, juillet, août, fais pas l’fou pis