Les métamorphoses dans l'odyssée
1) Le texte prend toute sa dimension fantastique dans les métamorphoses qui s’y jouent. C’est là qu’interviennent aussi bien la magie que l’entremise fabuleuse des Dieux. Les transformations peuvent être subies, comme celle des compagnons d’Ulysse aux prises avec le maléfice de Circé : peut-être pour avoir cédé à une concupiscence bassement instinctive, ils sont métamorphosés en porcs, mais leur âme reste celle d’humains. A l’inverse, la transformation peut affecter l’esprit : l’absorption du lotus fait oublier l’idée même du retour. La métamorphose peut aussi être voulue : elle est alors le fait des dieux. Rappelons que ceux-ci ne peuvent se montrer directement aux hommes qui seraient frappés de stupeur à leur vue. Athéna par exemple se mue alors en jeune fille, en héraut ; elle est présente jusque dans la balle de Nausicaa qui roule aux pieds d’Ulysse. La transformation est aussi une façon de se jouer des autres : à Ithaque, la déesse est d’abord un jeune pâtre à qui Ulysse est tenté de raconter un mensonge, puis elle se change en belle femme imposante, une fois que son protégé a compris qui elle était. A l’aide d’Athéna, Ulysse est lui aussi métamorphosé pour mieux en imposer aux autres (sa belle chevelure blonde chez les Phéacien), voire les abuser (un misérable quand il va trouver le porcher Eumée).
2) S’il existe une transformation radicale et irréversible, c’est bien cependant celle qui touche tout homme voué à la mort. On peut discerner un destin du corps qui, de chair, se mue dans les ossements blancs qui jonchent l’écueil des sirènes. Le sort de l’âme est différent : que reste-t-il de l’être après la mort ? Une sorte de souffle immatériel, un non-être sans plénitude ni matérialité, que seul un peu de sang peut ramener momentanément à la vie. De quoi désespérer Achille, qui rejette même sa gloire héroïque en revendiquant l’existence d’un paysan plutôt que cette mort sinistre. De quoi aussi provoquer la « peur verte »