Les passions et les intérêts/ hirschman
Les passions et les intérêts
Justifications politiques du capitalisme avant son apogée.
(Princeton University Press, 1977)
« Capitalism is evil » (Le Capitalisme est le Mal). Telle est la conclusion de « Capitalism : A love Story », dernier long métrage du réalisateur américain Michael Moore. Un siècle plus tôt, c’était à Jean Jaurès d’exprimer la même crainte au cours d’un discours à la Chambre en 1895: « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Comment dès lors comprendre la thèse que développe Albert Hirschman dans « Les passions et les intérêts », à savoir, que : « la diffusion des structures capitalistes résulte en grande partie de la recherche [...] d'un moyen d'éviter l'effondrement de la société » ? Homme engagé (opposant aux régimes fascistes européens, résistant pendant la seconde guerre mondiale), Hirschman a consacré de nombreux écrits à l’étude de la société capitaliste. La séparation entre les sciences sociales, politiques et économiques n’a pas de sens pour ce penseur iconoclaste et pluridisciplinaire. Aussi, il récuse les approches monocausales, et notamment celle que Max Weber développe dans « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme ». Pour ce dernier, le travail est une fin en soi, une fin motivée par le gain d’argent, et qui s’inscrit dans la poursuite des idéaux promus par des « représentations religieuses ». Cette réflexion s’appuie donc essentiellement sur des arguments éthiques, et psychologiques qui découlent indirectement « de la recherche acharnée d'un moyen d'assurer son salut personnel ». Hirschman s’appuie sur les courants de pensées français et anglais pour montrer que le développement du capitalisme est né d’une réflexion avant tout politique, qui visait à sauver la société des passions destructrices des hommes à l’origine de la « précarité de l’ordre intérieur et extérieur ». Dans Les passions et les