Les pendus
Texte 1 : Villon, Poésies, « L’Epitaphe Villon » (dite « Ballade des pendus »), XVème siècle. Dans cette ballade, Villon donne la parole aux pendus qui s’adresse aux vivants.
|1 |Frères humains, qui après nous vivez, |
| |N'ayez les cœurs contre nous endurcis, |
| |Car, si pitié de nous pauvres avez, |
| |Dieu en aura plus tôt de vous mercis[1]. |
|5 |Vous nous voyez ci[2] attachés, cinq, six : |
| |Quant de[3] la chair, que trop avons nourrie, |
| |Elle est piéça[4] dévorée et pourrie, |
| |Et nous, les os, devenons cendre et poudre. |
| |De notre mal personne ne s'en rie[5] ; |
|10 |Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! |
| | |
| |Se frères vous clamons[6], pas n'en devez |
| |Avoir dédain, quoique fûmes occis |
| |Par justice. Toutefois, vous savez |
| |Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis[7]. |
|15 |Excusez-nous, puisque sommes transsis[8], |
| |Envers le fils de la Vierge Marie, |
| |Que sa grâce ne soit pour nous tarie, |
| |Nous préservant de l'infernale foudre. |
| |Nous sommes morts, âme ne nous harie[9], |
|20 |Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! |
| | |
| |La pluie nous a débués[10] et lavés, |
| |Et le soleil desséchés et noircis. |
| |Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés[11], |
| |Et arraché la