Les philosophes et la musique
par Philippe Nemo www.contrepointphilosophique.ch Rubrique Philosophie
Mars 2005
Existe-t-il une philosophie de la musique ? On peut en douter, car si beaucoup de philosophes ont parlé de l’art et plus précisément de la musique, rares sont ceux qui ont véritablement touché au but. Souvent, dans leurs écrits, la musique est moins analysée pour elle-même que pour la place qu’elle est censée occuper dans le « système » du philosophe, qui a des préoccupations beaucoup plus larges et qualitativement autres – l’être, l’existence, le Bien, la Raison, l’Histoire... De sorte que les questions brûlantes pour tout véritable musicien : « Qu’est-ce que la musique ? Que nous dit-elle ? Quelle expérience spirituelle unique nous procure-t-elle ? » y sont souvent perdues de vue, repoussées à l’arrière-plan sous un fatras de considérations plus ou moins étrangères. Nous allons vérifier ce fait en survolant un certain nombre de « grands » systèmes philosophiques où la musique est analysée ou mentionnée.
Platon
Platon est le premier grand philosophe à avoir assez longuement parlé de la musique. Celle-ci est décrite dans la République comme une partie essentielle de l’éducation, de pair – curieusement – avec la gymnastique. Dans les deux cas, il s’agit de communiquer à l’enfant un sens de l’ordre et de la mesure qu’il ne possède pas naturellement. On le fera donc chanter et danser selon certains rythmes et certaines tonalités, qui, la chose est notable, devront être toujours les mêmes, le modèle étant ici l’Égypte qui est censée avoir conservé, dans ses rites et ses fêtes, les mêmes musiques depuis 10 000 ans. Platon n’est pas de ceux qui apprécient la dernière chansonnette à la mode, et en général il exècre les nouveautés.
Du moins cette démarche conservatrice a-t-elle un sens clair dans la philosophie générale du fondateur de l’Académie. Il s’agit de discipliner la jeunesse instable en « ancrant » son