Les poemes
La tristesse des lieux sourit, l'heure est exquise. Le couchant s'est chargé des dernières couleurs, Et devant les tombeaux, que l'ombre idéalise,
Un grand souffle mourant soulève encor les fleurs.
Salut, vallon sacré, notre terre promise !...
Les chemins sous les ifs, que peuplent les pâleurs Des marbres, sont muets ; dans le fond, une église
Monte son dôme sombre au milieu des rougeurs. La lumière au-dessus plane longtemps vermeille...
Sa bêche sur l'épaule, entre les arbres noirs, Le fossoyeur repasse, il voit la croix qui veille,
Et de loin, comme il fait sans doute tous les soirs,
Cet homme la salue avec un geste immense...
Un chant très doux d'oiseau vole dans le silence.
Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Morts de Quatre-vingt-douze
Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize, Qui, pâles du baiser fort de la liberté, Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse Sur l'âme et sur le front de toute humanité ;
Hommes extasiés et grands dans la tourmente, Vous dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons, Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante, Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ;
Vous dont le sang lavait toute grandeur salie, Morts de Valmy,