Les sonnets de shakespeare
D’abord, merci à Yves Peyré de son invitation à prendre la parole en ouverture de cet ouvrage. Je vois quelque sens à cela, car la sorte de propos que j’ai à tenir me garde en marge des travaux des chercheurs, qui tendent à l’acquisition de faits précis et à des analyses critiques en accord aussi poussé que possible avec ces derniers.
Il ne s’agit pas là, entre eux et moi, d’une différence de préoccupations, toutefois ; ni de ma part d’un quelconque – et qui serait bien frivole – dédain pour la recherche historique, car nous avons le même projet, qui est de comprendre Shakespeare et son époque, et je ne conçois pas que je puisse m’attacher à ces grands problèmes sans vouloir profiter de leur savoir. Mais mon point de vue sur eux est distinct du leur, et ma façon de les aborder ne peut donc elle aussi qu’en différer.
Mon point de vue ? Je m’intéresse moins à Shakespeare comme tel qu’à ce qu’est la poésie, considérée par moi, à tort ou à raison, comme un des aspects essentiels, c’est-à-dire constants, à travers l’histoire, de la relation au monde de l’être parlant que nous sommes : de ce regard en proie au langage. La poésie comme une façon d’être, ou de vouloir être, et non pas un texte.
Et ma méthode, si ce mot n’est pas prétentieux – on peut le penser –, sera de tenter de percevoir et d’identifier ce qui est poésie, spécifiquement, dans la complexité et l’ambiguïté d’un texte : celui-ci poème souvent mais aussi bien récit ou même, comme dans le cas de Shakespeare, pièce de théâtre. Reconnaître le poétique là où il est dans ces créations de diverses sortes, soit en le retrouvant comme leur motivation, soit par ses effets, directs ou indirects, sur leur élaboration par leur auteur ou d’autres poursuites de ce poète, soit même dans une réflexion de ce dernier, consciente ou pas, sur la poésie dans son travail même. Aucune œuvre n’est seulement poésie. J’ai en vue une analyse spectrale qui en isolerait le rayon parmi des réfractions différentes.
Et,