Introduction
Comme le remarquait Adam Smith, on n'a jamais vu d'animaux échanger leurs proies. Seul l'homme, parce qu'il est doué de raison, est capable de renoncer à une satisfaction immédiate en vue d'une satisfaction future. Car enfin échanger, c'est justement ne pas consommer un bien, le réserver, en prévoyant de le troquer contre autre chose dont on aura, pense-t-on, davantage besoin. Si donc les échanges supposent tout à la fois la rationalité et la vie en communauté, on peut supposer qu'ils entraînent une pacification des relations et un adoucissement des mœurs : échanger des services et des biens, c'est renoncer à l'appropriation violente, et poser qu'il y a des façons plus profitables d'acquérir ce qui nous manque. Alors, les échanges favorisent-ils la paix ?
En fait, la difficulté est double : d'une part, les échanges ne sont pas altruistes ou désintéressés. Je n'accepte de me défaire de quelque chose contre autre chose que parce que j'y ai intérêt ou parce que j'y trouve un profit. Mais alors, l'intérêt de chacun, même bien compris, suffira-t-il à soi seul à engendrer la concorde et la paix entre tous ? D'autre part, si je suis guidé par la recherche du profit, c'est donc que je tire avantage de l'échange, en d'autres termes que je gagne au change, que ce que j'échange a moins de valeur que ce contre quoi je l'échange. De ce point de vue, les échanges semblent creuser les inégalités entre les hommes, certains accumulant les richesses à mesure que d'autres s'appauvrissent. Ne faut-il pas voir alors dans l'échange des biens la source d'une rivalité et de tensions entre les hommes, qui viendraient menacer la cohésion sociale et la bonne entente ?

I. La vie en société : division du travail et développement des échanges
1. Vie en société et augmentation des besoins
Selon Hume, les hommes ont plus de besoins naturels que les autres animaux, et moins de moyens pour les satisfaire. Par exemple, n'ayant pas de fourrure, ils ont dû confectionner des