Lettre de mozart
(1756-1791)
''Les Lettres de Mozart,''
Trad. Henri de Curzon,
Genève-Paris, Minerva, 1986.
'''[À sa femme]
Samedi soir, dix heures et demie.
[8 et 9 octobre 1791]
[Certains critiques datent cette lettre des 5 et 6 novembre, ce qui en modifie la portée et la rend encore plus pathétique.]
Bonne petite femme chérie,
C'est avec la plus grande satisfaction, le plus vif sentiment de joie, que j'ai trouvé ta lettre, en rentrant de l'opéra. Bien que le samedi soit, en tout temps, un mauvais jour, parce que c'est celui de la poste, l'opéra a été représenté devant une salle comble, et au milieu des applaudissements et des bis accoutumés. Demain, on le donnera encore, mais il y aura relâche lundi ; par conséquent, c'est mardi qu'il faut qu'il nous amène Stoll [c'est-à dire que Stoll vienne de Baden, s'il veut le voir], quand on le redonnera pour la première fois. Je dis : pour la première fois, parce qu'il sera probablement donné encore plusieurs fois de suite. - Voici que je viens, à l'instant, de manger un excellent morceau de lièvre que m'a apporté Primus (mon fidèle valet de chambre), et comme mon appétit est assez éveillé aujourd'hui, je l'ai envoyé me chercher quelque chose de plus, si c'est possible… Et dans cet intervalle je continue d'écrire. Ce matin, j'ai composé avec tant d'assiduité que je m'y suis attardé jusqu'à une heure et demie. Vite, j'ai couru en toute hâte chez Hofer (rien que pour ne pas manger tout seul), et j'y ai rencontré maman. En sortant de table, je suis tout de suite retourné à la maison et j'ai composé jusqu'à l'heure de l'opéra. - Leitgeb m'a prié de l'y conduire de nouveau, … ce que j'ai fait. Demain, j'y mènerai maman ; Hofer lui a donné le livret à lire d'avance ; avec elle il faut dire qu'elle voit l'opéra, mais non qu'elle l'entend.
Les NN*** [les noms supprimés ou camouflés l'ont été soit par Mozart ou Constance qui utilisaient parfois une sorte de code dans leur correspondance, ou par Nissen