Lettre fictive de molière à lully
A Auteuil, ce 15è janvier 1670
Je pense avoir trouvé quelques délicieuses idées pour divertir Sa Majesté. En effet, la semaine dernière, Mme la Duchesse d’Orléans tenait salon en sa demeure où je retrouvai mon ami Jean de la Fontaine. A peine fus-je assis que nous conversâmes entre autres choses de la fable de « la Grenouille qui se veut faire plus grosse que le Bœuf ». Comment ne pas nous moquer de cette vaniteuse grenouille ? Paris est empli de ces batraciens prétentieux, farauds et suffisants. Quel meilleur sujet pour notre comédie-ballet que ces présomptueux bourgeois parisiens qui, comme le dit mon ami Jean, veulent « bâtir comme les grands seigneurs »!
Par là, j’eus l’idée de narrer de manière burlesque les mésaventures d’un bourgeois fat qui se mit en tête de devenir gentilhomme en portant l’habit, en maniant l’épée et en amusant chez lui par des dîners, des musiques et des danses. J’imaginai appeler notre œuvre « Le bourgeois gentilhomme ». Est-ce là une heureuse idée ? Cela vous convient-il ? Les divertissements musicaux foisonneront afin que brillassent vos multiples talents qui réjouissent tellement le Roi. Danseurs, chanteurs et musiciens paraîtront périodiquement sur scène, le récit légitimant grandement leur association. Crescendo, leur part croîtra au cours du divertissement afin que, de quelques apparitions dans les deux premiers actes, elle s’amplifiât lors de la cérémonie turque et s’emparât de tout l’espace au terme de l’œuvre grâce à un opéra-ballet baroque en six entrées, chanté en différentes langues. Outre la composition de toutes les œuvres musicales de cette comédie-ballet, pourriez-vous écrire quelques vers en italien pour que ce « ballet des Nations » apparaisse plus vraisemblable ?
Notre bourgeois s’étant entiché de la mode, un opéra champêtre, une petite pastorale, serait du meilleur effet dans l’acte initial répondant ainsi également à la nouvelle tocade du moment. Comme Sa Majesté nous le