Lettre a mon voisin
Eh oui, monsieur, il y a un mois, jour pour jour, que je vous ai vu pour la première fois et qu'aussi-tôt, j'ai été frappée par votre personnalité et votre distinction.
Je sortais de ma maison. Vous, vous étiez à une dizaine de mètres, devant une de ces haies buissonneuses qui séparent le trottoir communal des jardinets privés. J'ai d'abord pensé que vous attendiez un ami pour un jogging matinal. Puis plutôt une amie... pour un autre genre de sport; enfin comme vous ne manifestiez aucune impatience, j'ai imaginé que vous étiez poète et que vous attendiez l'inspiration. Boostée par cette idée, je suis tombée sous votre charme. Tombée et le mot exact : j'ai trébuché sur les restes d'une balle en caoutchouc, rouge... comme mes joues, quand je me suis relevée, abusivement gênée, je vous ai été très reconnaissante de rester impassible, comme si vous ne vous étiez aperçu de rien. Vous n'avez pas bougé davantage ni quand je me suis arrêtée à votre hauteur, sous prétexte de chercher quelque chose dans mon sac. En vérité, pour capter votre regard. Il était superbe. Profond. Indéfinissable. Sa couleur ? Un vert réversible, passant du clair au foncé en un clin d'œil ! Son expression ? Irréversible.
Depuis notre rencontre, je vous vois très souvent au même endroit. Votre observation sans doute; ou bien, allongé les yeux mis-clos, sur une chaise longue du jardin, votre revoir, certainement, ou encore dans le même jardin, assis auprés d'une dame moins distinguée et moins jeune que vous : votre maîtresse, je suppose, et votre....sécurité sociale ! Elle vous appelle son poussinet d'amour ce qui a l'air de vous agacer autant que moi. Votre vrai nom, je l'ignore. Quand, évidamment, je parle de vous à mes amis, je vous appelle « monsieur », avec dans ma voix des guillemets ironiques.