lettre à Paul Demeny
Lettre à Paul Demeny
Charleville, 15 mai 1871
J'ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. Je commence de suite par un psaume d'actualité : Chant de Guerre Parisien
Le printemps est évident, car Du cœur des propriétés vertes Le vol de Thiers et de Picard Tient ses splendeurs grandes ouvertes.
O mai, quels délirants cul-nus! Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières, Ecoutez donc les bienvenus Semer les choses printanières!
[50] Ils ont shako, sabre et tam-tam, Non la vieille boîte à bougies; Et des yoles qui n'ont jam... jam... Fendent le lac aux eaux rougies.
Plus que jamais nous bambochons Quand arrivent sur nos tanières Crouler les jaunes cabochons Dans des aubes particulières.
Thiers et Picard sont des Eros, Des enleveurs d'héliotropes; Au pétrole ils font des Corots. Voici hannetonner leurs tropes.
Ils sont familiers du grand turc... Et, couché dans les glaïeuls, Favre Fait son cillement aqueduc Et ses reniflements à poivre!
La Grand'Ville a le pavé chaud, Malgré vos douches de pétrole; Et, décidément, il nous faut Vous secouer dans votre rôle...
Et les ruraux, qui se prélassent Dans de longs accroupissements, Entendront des rameaux qui cassent Parmi les rouges froissements.
– Voici de la prose sur l'avenir de la poésie : – Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, [51] Vie harmonieuse. – De la Grèce au mouvement romantique, – moyen-âge, – il y a des lettrés, des versificateurs. D'Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d'innombrables générations idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. – On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd'hui aussi ignoré que le premier venu auteur d'Origines. – Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans! Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m'inspire