Lettres persanes
Tout comme il avait ébranlé les fondements traditionnels du pouvoir politique, le rationalisme critique, que voit triompher le XVIII ème siècle, ne devait pas épargner l’édifice de la foi et de la religion. Il faut dire qu’en ce XVIII ème siècle, les comportements des fidèles, comme les agissements de leurs Eglises prêtent singulièrement le flanc à la satire. Dans les Lettres persanes 1 (1721), Montesquieu met en scène deux Persans venus découvrir la France ; ils échangent avec leurs amis restés en Perse des lettres dans lesquelles ils font part de leurs impressions et de leurs critiques sur les mœurs, la politique, la philosophie occidentales. La critique de la religion y tient une grande place. Dans Quelques Réflexions sur les Lettres persanes (1754), Montesquieu souligne qu’ « il y a quelques traits que bien des gens ont trouvés bien hardis » : la critique de la religion fait partie, naturellement, de ces sujets audacieux. Montesquieu cherche à apaiser les esprits : il rappelle en effet que si les critiques sont acerbes, il ne faut pas oublier qu’elles sont proférées par deux Persans qui témoignent naïvement de leur étonnement. Cela ne doit pas nous inviter à relativiser la critique effectuée tout au long de l’ouvrage : au contraire, Montesquieu cherche seulement à se protéger de la censure dont il aurait pu être la proie, non pas à nier la réflexion critique qui se dégage des nombreuses lettres. Malgré cette réserve, il n’hésita pas à exprimer ses idées. Cependant, les Lettres persanes,d’une manière générale, ne cherchent pas à affirmer l’inanité de la religion : la critique opérée par Rica et Usbek se veut constructive ; c’est ce que nous chercherons à montrer dans notre étude. La satire sociale de l’Eglise temporelle, que nous analyserons dans une première partie, complète, en fait, le tableau des mœurs françaises esquissé par Rica et Usbek tout au long desLettres persanes. Nous montrerons ensuite que la critique de la politique religieuse menée