lettres persannes
Les premières lettres veulent d'abord donner la couleur locale nécessaire : datation, itinéraire, mais aussi notations orientales et érotiques sur la vie au harem qui permettent de laisser transparaître cette misogynie d'Usbek sur laquelle nous aurons à revenir. L'impression donnée par ce mélange de registres et de préoccupations est bien celle à quoi Montesquieu nous a préparés dans ses "quelques réflexions préliminaires", nous prévenant d'un roman par lettres « où les sujets qu'on traite ne sont dépendants d'aucun dessein ou d'aucun plan déjà formé », où « l'auteur s'est donné l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman. » Si ces réflexions préliminaires nous préparent à la satire, il n'en est ici encore aucune trace. On se souviendra néanmoins des précautions prises par l'auteur : son souci de différencier l'étonnement des Persans et l'idée d'examen ou de critique s'ajoute à sa volonté d'authentifier ces lettres et de se présenter comme un simple traducteur. Artifice bien connu de l'époque par lequel Montesquieu prévient les accusations de légèreté ou d'invraisemblance et excuse l'audace de la satire.
XI - XIV Histoire des Troglodytes.
Voici le premier apologue. La narration s'étale sur quatre lettres, ce qui permet de l'émailler d'un discours où le philosophe pose et illustre la notion fondamentale de vertu : « l'intérêt des particuliers se trouve toujours dans l'intérêt commun ». A la critique sévère des méchants
Troglodytes, tout dominés par leurs passions égoïstes, peut donc succéder le tableau patriarcal des familles vertueuses qui ont survécu aux discordes. Nous donnons une lecture analytique de cette lettre XII, à laquelle on se reportera non sans avoir en mémoire ces mots de Jean Starobinski : « L'Utopie n'aura pas lieu, elle est derrière nous ». Mais pour établir la nature exacte de l'idéal de Montesquieu et dissiper la fausse impression d'archaïsme