Lise bissonnette
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Lise Bissonnette et les impénétrables desseins de l’encrier1
Cas produit par le professeur Gérard OUIMET et Marie-Noëlle ROVINALTI
À la question toujours posée : « Pourquoi écrivezvous? », la réponse du Poète sera toujours la plus brève : « Pour mieux vivre ». – Saint-John Perse2 Si l’écriture nous était contée, ce serait certainement l’histoire d’une artiste des mots, d’une amante du verbe et d’une joaillière de la prose. Ce serait sûrement l’histoire d’une femme auteure, à la plume sans ambages et sans concession, ou le récit d’un morceau de vie d’une femme journaliste aux accents de femme gestionnaire déterminée et passionnée. Ce serait enfin l’histoire d’une des Femmes Savantes de Molière qui « veulent écrire et devenir auteurs »3. Aujourd’hui, en cette fin de journée d’un mois de juin impudemment capricieux, tout est en effervescence autour de la nouvelle figure d’autorité du prestigieux quotidien Le Devoir : Lise Bissonnette. Tout le monde court dans les locaux modernes de la rue de Bleury. Le téléphone n’a de cesse de sonner. La salle de rédaction est en émoi. La nouvelle va bientôt tomber. Qui sera le prochain premier ministre du Québec? Après plusieurs semaines agitées et intenses de campagne électorale qui, l’espère-t-on, apportèrent aux Québécois les lumières nécessaires pour un choix judicieux, il ne reste plus que quelques heures avant le dévoilement du scrutin national. La tension monte à mesure que le soleil entreprend son irrésistible descente sur l’horizon. L’excitation collective atteindra son paroxysme au moment où Bernard Derome prononcera le début de la fameuse phrase : « Radio-Canada annonce que, si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera… ». À croire « que le hasard de la naissance est moindre que le hasard du scrutin »4. Dans ces derniers instants de tourmente extrême, Lise Bissonnette, claustrée dans son bureau par la force des choses, se recueille tant bien que mal afin de concocter son