Littérature entre vérité et mensonge
Le romancier contemporain Michel Tournier avoue être tenté de répondre à la question : « Qu'y a-t-il de vrai dans vos romans ? — Rien, j'ai tout inventé. » Et, de fait, ce que le lecteur recherche dans l'œuvre littéraire — et surtout dans le roman, cette « œuvre d'imagination, récit en prose d'aventures inventées » selon la définition du Petit Larousse —, ce n'est pas la traduction directe du réel, mais l'invention, l'histoire imaginée et racontée. La réussite de certains auteurs tient même à leur imagination féconde, à leur faculté de créer des situations, des événements, des rebondissements.
Est-ce à dire pour autant que la littérature n'entretient pas de rapports avec la réalité ? Que chaque œuvre est le pur produit de l'imaginaire de l'auteur ?
I. Littérature et fiction.
1. « Un roman, (...] c'est avant tout une histoire» (Alain Robbe-Grillet).
Le lecteur de romans, en ouvrant le livre, n'y cherche pas la réalité pure et simple. A l'inverse du lecteur de faits divers, il compte trouver dans l'ouvrage une intrigue bien menée, cohérente, avec du suspense parfois, des personnages bien dessinés. A côté de ce que nous fait découvrir l'oeuvre littéraire, la vie réelle est bien terne, bien désordonnée ; et si la vie de quelques personnages célèbres nous paraît digne d'intérêt, c'est qu'elle « se lit comme un roman ».
L'invraisemblance ne nous gêne pas, du moins hors de la littérature « réaliste » — du moment que nous sommes emportés par l'action : d'où le succès des romans d'aventures (romans picaresques, romans de cape et d'épée, romans d'espionnage), des oeuvres de science-fiction, où le rapport avec le réel est fort ténu. Des romans comme ceux de Raymond Queneau, (Le Chiendent, Loin de Rueil) ou de Boris Vian (L'Ecume des jours, L'Herbe rouge) se déroulent suivant une trame et un mouvement qui sont purement et rigoureusement ceux de l'imagination. «Un vrai romancier, c'est celui qui sait « raconter une histoire ». Le bonheur de conter, qui