Littérature
Dans cette effervescence, il reste une question qui embarrasse et dresse des lignes de partage entre littéraires, sociologues, historiens, cognitivistes : quel type de savoir spécifique le roman apporterait-il ? Certes, les romans peuvent reconstituer un univers historique, décrypter des relations sociales ou nous informer de manière frappante sur la psychologie humaine. Mais de ce point de vue, ils n’ont aucune exclusivité par rapport aux sciences humaines, aux essais ou au cinéma. C’est pourquoi il faut distinguer le contenu de connaissances dont un texte est porteur, et l’imaginaire qu’il déploie. Réduire Jules Verne au rôle de vulgarisateur des sciences de son temps, c’est passer à côté des raisons qui poussent toujours des adolescents à se passionner pour les rêves du capitaine Nemo, ignorer la mise en scène des passions les plus archaïques orchestrée dans Vingt mille lieues sous les mers (1870) : volonté de puissance, démesure, misanthropie… De même, L’Étranger (Albert Camus, 1942) constitue à certains égards une synthèse des grands thèmes de la philosophie existentialiste : la solitude, la mort, l’altérité, l’absurde. Mais comme le remarquait Roland Barthes, « ce qui fait de L’Étranger une œuvre, et non une