Livre Brulee vif Pdf
Brûlée vive
Avec la collaboration de Marie-Thérèse Cuny
Oh ! Éditions
Le feu était sur moi
Je suis une fille et une fille doit marcher vite, la tête courbée vers le sol, comme si elle comptait ses pas. Son regard ne doit pas se lever, ni s'égarer à droite ou à gauche de son chemin, car si son œil rencontrait celui d'un homme, tout le village la traiterait de « charmuta ».
Si une voisine déjà mariée, une vieille femme ou n'importe qui l'aperçoit seule dans la ruelle, sans sa mère ou sa sœur aînée, sans brebis, sans botte de foin ou chargement de figues, on la dira aussi « charmuta ».
Une fille doit être mariée pour regarder devant elle, se présenter à la boutique du marchand, s'épiler et porter des bijoux.
Lorsqu'une fille n'est pas mariée dès l'âge de quatorze ans comme ma mère, le village commence à se moquer d'elle. Mais, pour pouvoir être mariée, une fille doit attendre son tour dans une famille. L'aînée d'abord, puis les suivantes.
Il y a trop de filles dans la maison de mon père.
Quatre, toutes en âge de se marier. Il y a aussi deux demi-sœurs, issues de la seconde femme de notre père.
Elles sont encore enfants. L'unique mâle de la famille, le fils adoré de tous, notre frère Assad, est né glorieusement
entre toutes ces filles, à la quatrième place. J'occupe la troisième. Mon père, Adnan, est mécontent de ma mère, Leila, qui lui a donné toutes ces filles. Il est mécontent aussi de son autre épouse, Aicha, qui ne lui a donné que des filles.
Noura, l'aînée, a été mariée tard, alors que j'avais moimême environ quinze ans. Kaïnat, la deuxième fille, n'est demandée par personne. J'ai entendu dire qu'un homme avait parlé de moi à mon père, mais que je dois attendre le mariage de Kaïnat avant de pouvoir songer au mien.
Mais Kaïnat n'est peut-être pas assez belle, ou alors elle est trop lente au travail… J'ignore pourquoi elle n'est pas demandée, mais, si elle reste vieille fille, elle sera la moquerie du village,