« Les bobos investissent la banlieue rouge de Paris ». C’est par ce titre accrocheur que la journaliste du monde Béatrice Jérôme évoque la gentrification dans l’édition du dimanche 30-lundi 31 mai 2004. Le terme de gentrification a été forgé en 1964 par le chercheur britannique Ruth Glass dans un ouvrage intitulé Introduction to London : aspects of change où il étudie les changements sociaux de Londres et se demande pourquoi une partie de la population de la classe moyenne s’est installée dans certains quartiers dégradés du centre-ville au lieu d’emménager en banlieue. De fait, la gentrification apparaît comme une anomalie et s’oppose à la représentation de l’espace social urbain de cette époque. Mais l’extension de ce processus à tous les pays industriels a conduit les chercheurs à s’y intéresser de plus près et à y voir autre chose qu’une simple anomalie. Le mot « gentrification » est un néologisme et n’a pas été traduit en français afin de ne pas appauvrir le concept en l’assimilant à un « embourgeoisement » trop réducteur. Car, en effet, pour la géographe Catherine Rhein il s’agit d’un « double processus d’embourgeoisement de la population d’un quartier et de réhabilitation de ses logements, appropriés par les nouveaux habitants, qui s’accompagne d’une hausse des prix immobiliers et d’un changement de statut de la location à la propriété-occupante entraînant une éviction des classes populaires, traditionnellement implantées dans ce type de quartier » (p. 115). En outre, il convient plutôt de parler de processus de gentrification au pluriel. Dès lors, quelles sont les conditions préalables au déclenchement des processus de gentrification et ces processus sont-ils la traduction spatiale de la construction d’un groupe social ? Ainsi nous verrons que la construction de l’espace urbain par les interactions complexes entre les différents acteurs et le marché foncier est le point de départ des processus de gentrification (I), dont la stratégie de