Blasé, et profondément déçu par les hommes « sans bras » de son époque, Lorenzaccio est convaincu de l’inutilité d’une quelconque action historique. Ayant perdu toutes les illusions de sa jeunesse, il ne se bat plus pour l’idéal révolutionnaire qui lui a été inspiré un jour au Colisée antique. La vanité de toute action dans le contexte historique défavorable de la Florence des Médicis, ne le dissuade pas cependant d’accomplir le tyrannicide qu’il a depuis longtemps projeté. Ce régicide, aussi vain soit-il, est pour lui l’ultime acte qui lui permettrait de coïncider avec celui qu’il était autrefois, et de retrouver la flamme qui l’animait dans sa jeunesse. La tirade en entier est une réaction à l’incompréhension de Philippe, chef de file des républicains. Celui-ci avait souligné le décalage existant chez son interlocuteur entre la conscience de la vanité du tyrannicide et sa persévérance à l’accomplir. La tirade prend dès lors les allures d’un plaidoyer où Lorenzaccio tente d’élucider le mystère de son attitude, de dévoiler les motifs cachés de son acharnement, et de faire le procès de ses contemporains.
I- Ultime tentative pour échapper au non-sens et à l’absurde.
A- Le héros, un personnage consumé et vidé de sa substance.
→ Lorenzaccio est certes conscient de la vanité de son action, mais l’assassinat d’Alexandre représente pour lui une bouée de sauvetage qui, à défaut de lui rendre son innocence irréversiblement perdue, empêche, du moins, son sacrifice d’être complètement inutile et insensé.
→ Ce sacrifice apparaît dans le passage à travers la représentation que Lorenzaccio se fait de soi-même : Un être perverti, évidée, privé de sa substance : l’importance des images est à souligner : Lorenzaccio est à la fois le spectre, l’ombre de soi-même, et le squelette. C’est, pour reprendre une métaphore de Genet, une allumette consumée.
→ Ayant épuisé toute son énergie pour parvenir au tyran, et pour mener à terme son tyrannicide, il ne peut se détourner de son