Luc ferry la naissance de l'esthétique
La vocation essentielle de l'art est d'incarner une vérité tenue pour supérieure. La vérité, et donc l'esthétique, dépendent de l'histoire. Dans l'antiquité grec, dire la vérité c'est décrire le cosmos, l'harmonie de l'univers. A l'ère des monothéismes, il s'agit de la sublimité du divin. Dans nos démocraties humaines il est question de la profondeur et de la richesse du génie humain. Qu'il s'agisse du cosmos ou de la religion, la vérité est à l'extérieur de l'homme alors que la démocratie est faite par et pour les hommes : la loi démocratique procède de la volonté, des intérêts et de la raison des hommes. La culture et l'esthétique vont suivre ce mouvement : humanisme esthétique. Avant le XVIIIème, l'art n'est qu'une découverte, non pas une invention mais le reflet d'un autre monde; après, l'art devient création.
Double révolution de l'esthétique
Le concept d'esthétique (aistheis = sensation) symbolise cette humanisation. Il apparaît en 1750 (Aesthetica du philosophe Baumgarten). Le bouleversement dans l'ordre de l'art provient d'un double mouvement, parallèle sinon analogue à celle de la cité, la fin du théologico-politique :
1. L'originalité de l'auteur : Chez les anciens, le Beau se définit en termes objectifs ("mesure et proportion" - Philèbe) qui expriment l'ordre divin ou cosmique et non pas en termes subjectifs. On ne cherche pas le nom de l'artiste alors qu'aujourd'hui on connaît le nom de certains artistes sans connaître leur production. Le Beau ne s'impose pas comme un espace a priori commun. La vérité de l'œuvre d'art se trouve maintenant dans l'artiste (Nietzsche), elle est devenue totalement subjective. L'œuvre n'est plus le reflet d'un monde supra-humain transcendant, elle est l'expression la plus achevée de la personnalité de l'auteur. L'exigence de l'originalité est devenue essentielle : le Beau ne peut plus être découvert, mais doit être créé, inventé ex nihilo. Le paradoxe et la crise de l'avant