lucrece , de la nature
Quant à ceux qui pensent que toute connaissance est impossible, ils ignorent également si elle est possible puisqu’ils font profession de tout ignorer. Je négligerai donc de discuter avec des gens qui veulent marcher la tête en bas. Même si j’admettais que toute connaissance est impossible, je leur demanderai à mon tour comment, n’ayant jamais rencontré la vérité, ils savent ce qu’est savoir et ne pas savoir ? D’où leur vient la notion du vrai et du faux ? Comment sont-ils parvenus à distinguer le certain de l’incertain ? Tu trouveras que ce sont les sens qui les premiers nous ont donné la notion de la vérité, et que leur témoignage est irréfutable. Car on doit accorder plus de créance à ce qui est capable par soi-même de faire triompher le vrai du faux. Or, quel témoignage est plus digne de foi que celui des sens ? S’ils nous trompent, est-ce la raison qui pourra déposer contre eux, elle qui tout entière en est issue ? Suppose-les trompeurs, la raison tout entière devient mensongère à son tour. […]
Et si la raison est incapable de déterminer la véritable cause pour laquelle, par exemple, un objet carré de près semble rond de loin, il vaut mieux, dans l’impuissance de notre raison, donner une explication fautive du phénomène que de laisser échapper de nos mains des vérités manifestes, d’abjurer la première de toutes les croyances et de ruiner les bases mêmes sur lesquelles reposent notre vie et notre salut.
LUCRECE, De la Nature, livre IV, traduction A. Ernout, TEL Gallimard, pp.161-162
CORRECTION
Introduction
[Thème du texte formulé comme un problème:] Comment déterminons nous la vérité ou la fausseté de nos croyances sur le monde si ce n’est par les sens ? La vérité étant