Se sentir libre implique t-il qu’on le soit ? Pour traiter ce sujet, il parait nécessaire de clarifier la différence entre le sentiment de liberté et la liberté réelle. Le sentiment de liberté renvoie à un état psychologique : on se pense libre, et ainsi, on se considère maitre de soi même, responsable de ses actes. Ce sentiment est sûrement nécessaire pour vivre, lié au désir de reconnaissance : comment vivre si l’on pense que l’on n’est pas maitre de soi. La liberté réelle implique non seulement de se sentir libre mais de l’être dans la réalité matérielle : est-ce vraiment moi qui détermine ma propre vie. Cette distinction nous mène vers une question : en admettant qu’il est possible de se sentir libre sans l’être, est ce que le sentiment de liberté est plus fort que la liberté réelle ? Nous répondrons à la problématique suivante : comment est ce possible de penser être libre sans l’être ? Demandons-nous d’abord ce qu’est être libre, puis si notre pensée détermine le monde ou si au contraire c’est le monde qui détermine notre pensée. Enfin, expliquons comment le monde peut il façonner notre pensée.

On peut penser que la principale liberté est de se penser libre. En effet, de ce point de vue, ce qui compte n’est pas tellement le monde tel qu’il est mais la manière dont on voit le monde. Dans ce cas, notre existence réelle n’a pas tant d’importance, puisqu’elle n’est rien par rapport à notre existence psychologique. La théorie du doute hyperbolique, radical et volontaire de Descartes dont la conclusion est « je pense, je suis », est dans cette lignée : je ne suis pas parce que j’existe dans le monde matérielle, parce que je suis un ouvrier ou un bourgeois, un individu de genre féminin ou masculin, etc. mais je suis parce que je pense. Ainsi, le monde est déterminé par notre pensée. Donc je suis ce que je pense être, si je pense être libre, je le suis. On peut se demander si, à partir du moment où l’on connait les lois qui régissent le monde, même si l’on en peut