Lyrisme amoureux - anthologie
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
Air du temps, Louis Aragon
Nuage
Un cheval blanc s'élève et c'est l'auberge à l'aube où s'éveillera le premier venu
Vas-tu traîner toute la vie au milieu du monde
À demi-mort
À demi-endormi
Est-ce que tu n'as pas assez des lieux communs
Les gens te regardent sans rire
Ils ont des yeux de verre
Tu passes Tu perds ton temps
Tu passes
Tu comptes jusqu'à cent et tu triches pour tuer dix secondes encore
Tu étends le bras brusquement pour mourir
N'aie pas peur
Un jour ou l'autre
Il n'y aura plus qu'un jour et puis un jour
Et puis ça y est
Plus besoin de voir les hommes ni ces bêtes à bon Dieu qu'ils caressent de temps en temps
Plus besoin de parler tout seul la nuit pour ne pas entendre la plainte de la cheminée Plus besoin de soulever mes paupières
Ni de lancer mon sang comme un disque ni de respirer malgré moi
Pourtant je ne désire pas mourir
La cloche de mon cœur chante à voix basse un espoir très ancien
Cette musique Je sais bien Mais les paroles
Que disaient au juste les paroles
Imbécile
Les quatre sans cou, Robert Desnos
Ils étaient quatre qui n'avaient plus de tête,
Quatre à qui l'on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n'oubliaient pas d'apporter des entonnoirs.
Quand ils mangeaient, c'était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c'était du sang.
Quand ils couraient, c'était du vent.
Quand ils pleuraient, c'était vivant,
Quand ils dormaient,