Ma cousine anne
A toi, petite Anne
A toi, Frédéric
A vous tous, dont les ailes ont été brisées en plein vol....
Semaine 1
Un simple message sur le répondeur: “Ma chérie, c’est terrible! Rappelle-moi. C’est Anne! Elle est dans le coma”.
Un simple message, quelques mots, rien de plus, rien de moins, et pourtant!... Le poid est immense, le plexus se torsade, la gorge se noue. Quelques secondes ... une éternité.
Les nouvelles courent; bribes anarchiques, saccadées et télégraphiques : “Dimanche, jardin, malaise, ambulance, Lariboisière, urgences, rupture d’anévrisme, intervention, coma”.
Comprendre l’incompréhensible. Comment imaginer l’inimaginable?
Anne? Non!? Notre Anne?!
La petite Anne, la cousine de mon enfance, petite silhouette à bicyclette sillonnant le jardin de mes étés d’insouciance!
Anne, l’adolescente égarée à la silhouette longiline, mélange inconscient d’élégance et de nonchalance.
Anne, devenue jeune femme, énigmatique et secrète. Cette “femme enfant”, juste aperçue, jamais vraiment vue. Pourtant n’était-elle donc pas là lors de la dernière réunion de famille? Si. Je me souviens de la chaleur de nos baisers, de la joie de nous revoir, mais tout est allé trop vite. Trop vite pour te réapprivoiser, sauvage petite Anne.
Un souffle de fraîcheur passe dans ma mémoire! Deux petites silhouettes se détachent. Deux petites filles aux cheveux en bataille aperçues dans le sillage de leur mère. Les deux petites filles d’Anne! Petites soeurs élevées par leur mère, nées de deux pères différents - peut-être pas indifférents - mais partageant la même absence.
Puis le souvenir charmant se charge d’angoisses et d’appréhensions, des questions sans réponses se croisent et se recroisent, tissage d’une étoffe que l’on pressent pesante et sombre. Où sont-elles? Que font-elles? Ces petites filles presque inconnues, petites victimes d’une tempête familiale annoncée.
Il n’est pas une heure où mes pensées ne s’envolent vers Anne.