Macbeth
La première scène de Macbeth doit être envisagée comme bien plus qu’une scène d’exposition (les règles du théâtre classique ne sont pas encore à l’ordre du jour) : elle donne la clé de la pièce, en installant, mieux que son intrique, ses présupposés, c’est à dire le dérèglement de l’univers qui s’inscrit d’entrée de jeu par l’irruption des sorcières (cf. ce qu’en dit Mallarmé, cité dans l’Introduction, p. 17). De ce dérèglement, on retiendra essentiellement
– la noirceur et le chaos, le sale : tonnerre, pluie et boue ; Planons dans la crasse et dans l’air fumeux.
– l’inversion des valeurs, affirmée dans ce que l’on pourrait qualifier de slogan, ou de mot d’ordre pour les sorcières : le hideux est beau, le beau est hideux, véritable mot d’ordre qui signe la fin des critères de différenciation culturels, et de la raison.
– pire encore, la neutralisation des valeurs, qui aboutit à l’indifférenciation totale et ouvre la voie au chaos : la bataille perdue - gagnée : il en est ainsi de toute bataille, qui a normalement un vainqueur et un vaincu, un fort et un faible, un juste et un injuste, tous renvoyés ici dos à dos dans le chaos de la violence et dans l’indifférenciation.
Remarque : on pourrait voir ici une dialectique dans l’expression de la sorcière : Duncan, en croyant avoir neutralisé le traître Cawdor va précipiter sa perte et sa mort en récompensant Macbeth ; il perd en croyant gagner. L’interprétation est valable a posteriori, elle suppose que l’on sache ce qui va advenir, alors que l’interprétation du chaos installe et projette ce qui va être la loi du monde le temps de la pièce.
Le désordre et la noirceur sont ainsi filés tout au long de la pièce :
– dans le monde naturel, on trouve un reflet du crime perpétré contre Duncan : La nuit a été bien troublée…97b; et le désordre se manifeste jusque dans les relations qu’entretiennent les animaux : le faucon (diurne) tué par la