Madame de bovary
Au moment où Emma comprend que ses dettes vont être révélées au grand jour (la saisie de ses biens a été annoncée à Yonville), elle tente tout d’abord de trouver l’argent nécessaire en sollicitant les gens qu’elle connaît, et la succession de ses échecs (Maître Guillaumin, Binet, Rodolphe) l’amène à considérer que la seule voie qui lui est offerte reste le suicide. Elle vole donc dans le capharnaum d’Homais de l’arsenic, qu’elle « mange » aussitôt sous le regard effrayé de Justin qui lui a ouvert la porte.
Lorsqu’on envisage la mort d’autres héroïnes romanesques dans des ouvrages qui ont précédé Madame Bovary (on peut évoquer les morts de Manon Lescaut, dans le roman éponyme de l’abbé Prévost, celle de Virginie, dans Paul et Virginiede Bernardin de Saint Pierre, voire celle d’Atala dans le récit de Chateaubriand) on mesure l’enjeu littéraire que constitue l’écriture de cette page: comment Flaubert va-t-il traiter ce thème éminemment romanesque, thème dont le pathétique inévitable semble peu convenir à son tempérament?
I La mort de l’héroïne: réalisme et pathétique
1) Une mort ritualisée
La mort d’Emma s’inscrit dans une forme parfaitement ritualisée: il s’agit d’une mort publique, aboutissement d’une agonie qui a duré toute la nuit et une partie de la journée suivante. Sont présents Félicité, la domestique, le docteur Canivet, Homais le pharmacien, et Charles.
Dans les lignes qui précèdent, Flaubert a longuement décrit l’administration de l’extrême onction, ce qui ajoute à la solennité du moment. Le pathétique est d’emblée représenté par le personnage de Charles: fidèle à lui-même, toujours prompt à s’illusionner, il espère une rémission. En présentant au style direct sa pensée même « Il ne fallait peut-être pas se désespérer« , alors que la mort d’Emma est imminente, Flaubert en fait un personnage pitoyable, dont il détaille ensuite les « sanglots étouffés« .
2) La composition d’un tableau
De fait, dans l’ordre du pathétique, Flaubert