Il n'y a pas d'art dans lequel le corps n'est pas impliqué : qu'on soit engagé dans un processus de création ou simple spectateur, l'art induit nécessairement une rencontre d'ordre physique. Si l'on considère que le cerveau est le siège de l'intellect, le corps sert d'interface entre l'intellect et le monde, les sens étant ce qui lui permet d'entrer en contact avec le monde. C'est pourquoi toute œuvre artistique, même l'œuvre la plus dématérialisée et conceptuelle, doit d'une manière ou d'une autre prendre le corps en considération. C'est ce rapport au corps que nous allons étudier ici et plus particulièrement quand il est associé à la conception et au design de caractères. Ce corpus de documents associe le corps humain au dessin de la lettre. Il est question de mettre en exergue la diversité des rôles endossés par le corps humain en typographie, depuis les premières créations typographiques au XVe siècle jusqu'aux caractères contemporains. Dans un premier temps nous verrons comment le corps établie un système de mesure idéale pour la formation de caractères, puis dans un second temps l'expressivité et la subjectivité de la typographie exaltées par le corps. Enfin nous nous concentrerons sur l'utilisation du corps comme support, allant jusqu'à l'engagement corporel au même titre qu'une performance.

D'abord nous allons voir comment les proportions du corps peuvent influer sur le dessin d'un caractère. L'alphabet de Geoffroy Tory extrait de l'ouvrage Le Champfleury (1529) en est le parfait exemple. Geoffroy Tory, élève de Nicolas Janson fait parti du mouvement Humaniste. L'Homme auparavant sous l'emprise de Dieu, reprend à la Renaissance toute l'importance qu'il avait à l'Antiquité. Protagoras affirmait que "L'homme est la mesure de toute chose". Geoffroy Tory est d'ailleurs celui qui réintroduira l'esthétique antique romaine ainsi que les accents, les cédilles et les guillemets. Il veut trouver la vraie et juste proportion des lettres. Ses