Magellan
Objet d'étude : L’argumentation : convaincre, persuader et délibérer.Texte A : La Bruyère, « Des jugements »,Les Caractères, 1688-1696.Texte B : La Fontaine, « Les compagnons d’Ulysse », Livre XII,Fables, 1694.Texte C : Voltaire, « Conversation avec les hommes »,Micromégas(chapitre VII), 1752.
Texte A : La Bruyère, « Des jugements »,Les Caractères, 1688-1696. Petits hommes, hauts de six pieds1, tout au plus de sept, qui vous enfermez aux foires comme géants, et comme des pièces rares dont il faut acheter la vue, dès que vous allez jusques à huit pieds ; qui vous donnez sans pudeur de la hautesse et de l’éminence2, qui3est tout ce que l’on pourrait accorder à ces montagnes voisines du ciel et qui voient les nuages se former au-dessous d’elles ; espèce d’animaux glorieux et superbes4, qui méprisez toute autre espèce, qui ne faites pas même comparaison avec l’éléphant et la baleine ; approchez, hommes, répondez un peu à Démocrite5. Ne dites-vous pas en commun proverbe : des loups ravissants6, des lions furieux, malicieux comme un singe ? Et vous autres, qui êtes-vous ? J’entends corner sans cesse à mes oreilles : L’homme est un animal raisonnable. Qui vous a passé7cette définition ? sont-ce les loups, les singes, et les lions, ou si8vous vous l’êtes accordée à vous-mêmes ? C’est déjà une chose plaisante, que vous donniez aux animaux, vos confrères, ce qu’il y a de pire, pour prendre pour vous ce qu’il y a de meilleur. Laissez-les un peu se définir eux-mêmes, et vous verrez comme ils s’oublieront, et comme vous serez traités. Je ne parle point, ô hommes, de vos légèretés, de vos folies et de vos caprices, qui vous mettent au-dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent sans varier l’instinct de leur nature ; mais écoutez-moi un moment. Vous dites d’un tiercelet de faucon9qui est fort léger, et qui fait une belle descente sur la perdrix : « Voilà un bon oiseau » ; et d’un lévrier