Malheur à celui qui n'a plus rien à désirer
Dans la Bible, Jésus accomplit ce miracle de marcher sur les eaux d'un lac, puis invite sondisciple Pierre à le suivre. Celui-ci pose un pied sur l'eau, hésite, puis s'enfonce. Jésus luireproche alors: "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?". Dans cet épisode, le douteest présenté comme une faiblesse digne de blâme. A l'inverse, c'est la foi qui apparaîtcomme une vertu. Pierre a manqué du courage d'admettre la vérité. Il est vrai que celui quiest incertain et irrésolu avoue ainsi qu'il ne se sent pas capable de connaître la vérité. Maisd'un autre côté, le doute peut apparaître comme une force. Celui qui ne doute pas est peut-être persuadé, lui, de connaître le vrai, mais il renonce ainsi à chercher. Le doute doit-il doncapparaître comme un renoncement, ou au contraire comme la condition de touteconnaissance?
I. Le doute sceptique
Certains usages du doute s'apparentent à un renoncement à la recherche de la vérité, mêmeà un refus de la voir. Le doute peut passer à première vue pour une faiblesse, une défaite dela pensée. Douter, c'est reconnaître que l'on ne sait pas et que l'on ne parvient pas àatteindre la vérité. Douter, c'est avouer que l'on ne sait pas. Lorsque le doute prend la formed'une conclusion, il témoigne alors d'un renoncement. On renonce, devant la difficulté d'unproblème, ou parce que l'on ne se sent pas les moyens de le résoudre. Le doute témoignealors d'une incapacité, d'une impuissance. Les philosophes sceptiques, disciples de Pyrrhon,considèrent justement que l'esprit humain est incapable d'atteindre aucune connaissancecertaine. La devise sceptique peut alors se résumer dans la question de Montaigne "que sais-je?", même pas dans l'affirmation "je ne sais rien", parce que ce serait reconnaître que l'onsait au moins une chose. Leur attitude, plus précisément que le doute, est celle de lasuspension du jugement: dans l'incertitude, on s'abstient de juger, c'est-à-dire d'affirmer. Cedoute