man ray
Esthétique
Être autre et soi-même
Par Soko Phay-Vakalis
L’autoportrait est autant une démarche d’introspection qu’une recherche de la vérité subjective.
Tout au long du XXe siècle, les questions de l’identité et du rôle de l’artiste dans la société se sont posées avec insistance. Rares sont les autoportraits flatteurs, témoignant à la fois des expérimentations esthétiques et des tourments de notre époque.
Man Ray, l’ambivalent
Faire son autoportrait, c’est rejouer la scène de
Narcisse séduit par sa propre beauté dans le reflet sans consistance de la surface d’eau ; c’est risquer d’être happé par son double illusoire. Cette fable pose l'indissociable lien entre le corps et la représentation. Une fois dépassé ce narcissisme “primaire”, l’être humain peut alors se reconnaître dans son image sans s’y noyer et trouver dans le miroir les voies de la réflexion. À l’instar des autoportraits, la glace incite le sujet à l’introspection, le confronte aux mystères de son être et de son désir, le renvoie à ses manques et à son histoire.
Les artistes du XXe siècle s’efforcent d’esquisser, dans le doute et l’angoisse, des réponses qui continuent à nous questionner. Tout autoportrait, même le plus simple, le moins mis en scène, est "portrait" d'un autre. Lors de son exposition de 1944, Man Ray donne à voir un miroir encadré. Une étiquette placée à la hauteur du cadre de bois blanc donne le titre de l’œuvre : Autoportrait. Le spectateur se voit réfléchi dans la glace qui est en même temps l’autoportrait de Man Ray. Une question se pose : de qui s’agit-il ? Est-ce l’autoportrait de l’artiste ou celui du spectateur ? L’étiquette tait l’identité. Comment se distinguer soi-même de l'autre ? Il y a similarité d’identité entre le créateur et le regardeur : ce miroir est la métaphore de tout autoportrait, de toute peinture