Manon lescaut libertin
OC Manon Lescaut, L’Abbé Prévost (1731)
Manon Lescaut : un roman libertin ou moral ?
« Si le public a trouvé quelque chose d’agréable et d’intéressant dans l’histoire de ma vie, j’ose lui promettre qu’il ne sera pas moins satisfait de cette addition. Il verra, dans la conduite de M. Des Grieux, un exemple terrible de la force des passions. J’ai à peindre un jeune aveugle, qui refuse d’être heureux, pour se précipiter volontairement dans les dernières infortunes ; qui, avec toutes les qualités dont se forme le plus brillant mérite, préfère, par choix, une vie obscure et vagabonde, à tous les avantages de la fortune et de la nature ; qui prévoit ses malheurs, sans vouloir les éviter ; qui les sent et qui en est accablé, sans profiter des remèdes qu’on lui offre sans cesse et qui peuvent à tous moments les finir ; enfin un caractère ambigu, un mélange de vertus et de vices, un contraste perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises. Tel est le fond du tableau que je présente. Les personnes de bon sens ne regarderont point un ouvrage de cette nature comme un travail inutile. Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ; et c’est rendre, à mon avis, un service considérable au public, que de l’instruire en l’amusant. » (Avis de l’auteur). I Un roman libertin ?
Le terme « libertin » (du latin libertinus, « esclave qui vient d’être libéré », « affranchi ») admet deux acceptions principales :
• le sens qui prévaut de nos jours se réfère au libertin de mœurs, c’est-à-dire celui qui s’adonne aux plaisirs charnels avec une liberté qui dépasse les limites de la morale conventionnelle et de la sensualité bourgeoise normale, mais aussi avec un certain raffinement cultivé (exemple : le marquis de Sade, Crébillon fils ou Choderlos de Laclos).
• dans sa version d’origine, le libertin est celui qui remet en