Manon lescaut, abbé prevost
M..., et par un tour bizarre de mon sort, il arriva que je devins la sienne. Nous vîmes paraître son carrosse vers les onze heures. Il nous fit des compliments fort recherchés sur la liberté qu’il prenait de venir dîner avec nous. Il ne fut pas surpris de trouver M. de T..., qui lui avait promis la veille de s’y rendre aussi, et qui avait feint quelques affaires pour se dispenser de venir dans la même voiture. Quoiqu’il n’y eût pas un seul de nous qui ne portât la trahison dans le cœur, nous nous mîmes à table avec un air de confiance et d’amitié. G... M... trouva aisément l’occasion de déclarer ses sentiments à Manon. Je ne dus pas lui paraître gênant, car je m’absentai exprès pendant quelques minutes. Je m’aperçus, à mon retour qu’on ne l’avait pas désespéré par un excès de rigueur. Il était de la meilleure humeur du monde. J’affectai de le paraître aussi. Il riait intérieurement de ma simplicité, et moi de la …afficher plus de contenu…
Elle en est déjà à ne plus pouvoir faire autrement. Elle découvre, à boire, une confirmation de ce qui fut jusque-là son désir obscur et une indigne consolation à cette découverte. D'autres femmes boivent à leur tour, elles lèvent de même leurs bras nus, délectables, irréprochables, mais d'épouses. Sur la grève, l'homme siffle une chanson entendue dans l'après-midi dans un café du port. La lune est levée et avec elle voici le commencement de la nuit tardive et froide. Il n'est pas impossible que cet homme ait froid. Le service du canard à l'orange commence. Les femmes se servent. On les choisit belles et fortes, elles feront front à tant de chère. De doux murmures montent de leurs gorges à la vue du canard d'or. L'une d'elles défaille à sa vue. Sa bouche est desséchée par d'autre faim que rien non plus ne peut apaiser qu'à peine, le vin. Une chanson lui revient,