Maria chapdelaine
Il fallut un peu de temps avant que le roman fasse l’unanimité au Québec. Son succès, il l'obtint après sa publication en 1921 en France et encore... Il se trouva des curés pour le dénoncer en chaire. On lui reprochait entre autres de présenter une image défavorable du curé (il parle comme un charretier) et de l'agriculture au Lac-Saint-Jean (le climat est pitoyable et la nature est cruelle). Les gens de Péribonka, outrés de se voir ainsi représentés, renversèrent le monument dédié au « fou à Bédard » comme ils avaient surnommé Hémon. Pourtant, au fil des ans, le roman s’imposa, ralliant aussi bien les littéraires que les élites traditionnelles qui voyaient d’un bon œil les valeurs défendues : la famille, la religion, le travail vivifiant de la terre, l’occupation patriotique du sol, la résistance opiniâtre face à une nature sauvage. Au début des années soixante, le ton changea du tout au tout. Oui, pour une « race qui ne sait pas mourir » ! Mais comment se glorifier d’être une « race » « qui n’a pas changé » et « qui n’a guère appris »? Claude Péloquin va exprimer toute la dérision qu’on vouait au roman par ces quelques vers lapidaires : « Vous êtes pas tannés de mourir, bande de caves? C'est assez! ».
Qu’en est-il aujourd’hui? Le roman a quitté le champ de l’idéologie en même temps que les questionnements identitaires : il faut voir Maria Chapdelaine comme un roman de la frontière, un roman qui traduit bien l’effort des pionniers, leur lutte de titan contre une nature hostile qu’ils voulaient domestiquer, la vider de sa « sauvagerie », pour la livrer à la civilisation. Au-delà de sa valeur ethnographique, si on se donne la peine de le lire attentivement, on découvre un roman bien écrit, avec ses savants jeux de focalisation variable, avec une intégration harmonieuse du français québécois et des descriptions symboliques de la nature qui traduisent bien l’état d’âme des personnages.On lui reproche encore sa vue partielle du Qc: un