Marivaux scene 6
- elle se place au milieu de la pièce et on peut en attendre que l'enjeu dramatique y soit à son apogée. Trivelin a quitté la scène, satisfait des portraits railleurs qui ont composé la première épreuve infligée aux maîtres par leurs esclaves. Ceux-ci se trouvent maintenant face à face sans la médiation du gouverneur de l'île. Que pourra-t-il en résulter ?
- Investis de leur nouveau pouvoir, les domestiques peuvent en effet en user diversement : ils peuvent multiplier les brimades à l'égard de leurs anciens maîtres et oublier en cela les leçons de Trivelin ("point de vengeance"); le spectateur les attend aussi à ce véritable piège qui les ferait tomber dans les travers qu'ils ont condamnés. Ainsi la scène ne peut manquer de représenter un tournant qui, lançant un nouvel enjeu, décidera du dénouement.
Choisissons-nous ce projet de lecture : comment cette scène ravive-t-elle l'enjeu dramatique ?
Objectif 2 : La distribution de la parole :
- le spectateur a tôt fait d'être informé de l'intention des domestiques : le choix de Cléanthis de faire "la belle conversation", "comme dans le grand monde", et d'être l'objet d'une conquête amoureuse ("poursuivez mon cœur") répond à la seconde de nos attentes, d'autant que les maîtres resteront muets : évincés du jeu, ils assisteront impuissants au dialogue de leurs esclaves. Cette situation révèle une double intention : il s'agit de marquer leur déchéance par la privation de la parole, qui a été jusque là signe de leur pouvoir ; leur éviction du champ "à dix pas" fait aussi d'eux des spectateurs et accentue le caractère théâtral de l'entretien qu'auront les valets. Ceux-ci, d'ailleurs, donnent l'impression de préparer une représentation : Cléanthis conseille le jeu d'Arlequin, sur le plan du langage ("n'épargnez ni compliments, ni révérences") comme sur celui du jeu scénique ("promenons-nous plutôt de cette manière-là"), indications de mise en scène auxquelles Arlequin