Mary shelley
Le fait sur lequel est fondé ce récit imaginaire a été considéré par le Dr Darwin et par quelques auteurs physiologistes allemands comme n’appartenant nullement au domaine de l’impossible. Je ne voudrai pas que l’on me suspecte le moins du monde d’accorder à une telle hypothèse une adhésion sans restrictions ; néanmoins en échafaudant ma narration sur ce point de départ, je considère ne pas avoir créé un enchaînement de faits terrifiants relevant foncièrement du surnaturel. L’événement dans lequel l’histoire puise son intérêt ne présente pas les désavantages qui s’attachent aux simples récits traitant de fantômes ou de magie. Il s’est imposé à moi par la nouveauté des situations auxquelles il pouvait donner lieu, car, bien que constituant physiquement une impossibilité, il offrait à l’imagination l’occasion de cerner les passions humaines avec plus de compréhension et d’autorité que l’on pourrait le faire en se contentant de relater des faits strictement vraisemblables. Je me suis donc efforcée de conserver leur vérité aux principes élémentaires de la nature humaine, tout en n’hésitant pas à innover dans le domaine des combinaisons auxquelles ils pouvaient donner lieu. Cette règle se retrouve dans L’Iliade, le poème épique de la Grèce ancienne, dans La tempête et dans Le Songe d’une Nuit d’Été, de Shakespeare, et plus particulièrement encore, dans Le Paradis Perdu, de Milton. Ce n’est donc pas faire preuve de présomption, même pour un humble romancier aspirant à distraire le lecteur ou à tirer de son art une satisfaction personnelle, que d’apporter à ses écrits un licence, ou plutôt, une règle dont l’emploi a fait éclore dans les plus belles pages de la poésie tant d’exquises combinaisons de sentiments humains. Le fait sur lequel repose mon histoire m’est venu à l’idée, à la suite d’une simple conversation. La rédaction en fut entreprise, en partie par amusement, et en partie parce qu’elle offrait un moyen d’exercer les