Matières premières
La hausse conjointe des prix de l’énergie et des prix agricoles entre 2006 et 2008 : la spéculation et les biocarburants sont-ils coupables ?*
Tancrède VOITURIEZ
CIRAD, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales, 27 rue Saint-Guillaume 75337 Paris Cedex 07, France Abstract: We review in this study the different factors which have been proposed in the literature as possible explanations of commodity prices sudden upsurge between 2006 and 2008. We examine as to whether scientific evidence validates any causal relationship. We emphasize in particular the role of explanatory variables underpinning the co-movement of energy and food price rise. Our aim is to provide an up-to-date understanding of food and energy market relationships, so as to better anticipate the possible changes in prices behaviour in the coming years. Key words: energy prices, agricultural prices, food crisis, speculation
La hausse des prix des matières premières entre 2006 et 2008 a occupé dans les médias et les débats publics une place que ces produits, pris dans leur ensemble, avaient été dans l’impossibilité de reconquérir après les flambées historiques des cours en 1974 et 1979, concomitantes aux deux chocs pétroliers. Si les mouvements de prix sur les marchés avaient été chroniqués depuis lors, c’est surtout parce que ceux-ci, en apparence, inexorablement baissaient, au point d’apparaître comme un fléau endémique pour les économies et les ménages dont les revenus en dépendaient. Après la parenthèse euphorique des années 1970, le monde et en particulier le monde en développement redécouvraient au tournant du siècle les tourments de l’excès. Le pétrole lui-même n’échappait pas à la malédiction de l’abondance et pour reprendre un titre de The Economist resté fameux depuis, à l’inexorable déclin de ses prix sur les marchés1. La crise de 2006-2008 a reçu dans ce contexte un écho particulier. Coup de tonnerre dans un ciel