Maupassant
ETUDE SUR LE ROMAN ( Pr éface à PIERRE ET J EAN )
Suivi de : Gustave Flauber t (1876) et de Etude sur Gustave Flauber t (1884)
Hibouc 2006
Etude sur le roman
Ce texte fut publié par Maupassant, en tête de son roman Pierre et J ean en 1888. Je n'ai point l'intention de plaider ici pour le petit roman qui suit. Tout au contraire les idées que je vais essayer de faire comprendre entraîneraient plutôt la critique du genre d'étude psychologique que j'ai entrepris dans Pierre et Jean. Je veux m'occuper du Roman en général. Je ne suis pas le seul à qui le même reproche soit adressé par les mêmes critiques, chaque fois que paraît un livre nouveau. Au milieu de phrases élogieuses, je trouve régulièrement celleci, sous les mêmes plumes :
« Le plus grand défaut de cette œuvre c'est qu'elle n'est pas un roman à proprement parler. » On pourrait répondre par le même argument : « Le plus grand défaut de l'écrivain qui me fait l'honneur de me juger, c'est qu'il n'est pas un critique. »
Quels sont en effet les caractères essentiels du critique ? Il faut que, sans parti pris, sans opinions préconçues, sans idée d'école, sans attaches avec aucune famille d'artistes, il comprenne, distingue et explique toutes les tendances les plus opposées, les tempéraments les plus contraires, et admette les recherches d'art les plus diverses. Or, le critique qui, après Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don
Quichotte, Les Liaisons dangereuses, Werther, Les Affinités électives, Clarisse Harlowe, Emile, Candide, CinqMars, René, Les Trois Mousquetaires, Mauprat, Le Père Goriot, La Cousine Bette, Colomba, Le Rouge et le Noir, Mademoiselle de Maupin, NotreDame de Paris, Salammbô, Madame Bovary, Adolphe, M. de Camors, L'Assommoir, Sapho, etc., ose encore écrire : « Ceci est un roman et cela n'en est pas un », me paraît doué d'une