Memoire
I ] INTRODUCTION
A – PRESENTATION GENERALE
Mon présent englobe ce que je viens de faire et ce que je vais faire. Heidegger dit que l'homme est «l'être des lointains», un être soucieux qui projette l'avenir sur le présent et qui confronte le présent avec ce qui l'a précédé. Ainsi, tandis qu'une chose est à chaque instant contemporaine d'elle-même, l'homme dure, c'est-à-dire se souvient. «Les jours s'en vont, je demeure», écrit Apollinaire. La mémoire apparaît ainsi comme une sorte de revanche de l'homme sur la fuite des jours puisque l'esprit humain est capable de retrouver et de garder ce qui passe. Le visage du monde qui change et passe sans cesse, trouve quelque fixité que dans notre mémoire. C'est en ce sens que, selon Ibsen, « on ne possède éternellement que ce qu'on a perdu ».
Cependant, ces moments que ma mémoire sauve en quelque sorte de la fuite des jours, elle ne les ressuscite pas vraiment. La mémoire n'est pas une hallucination : je ne revis mon passé qu'en le sachant passé, en le pensant comme passé. Je nie sa présence après l'avoir affirmée. Comme le dit Lalande, la mémoire au sens plein du mot est «une fonction psychique consistant dans la reproduction d'un état de conscience passé avec ce caractère qu'il est reconnu pour tel par le sujet ».
En un sens, par la mémoire, je retrouve mon passé, je coïncide avec lui je suis mon passé ; mais, d'autre part, je pose mon passé comme aboli, je le tiens à distance de moi-même. J'ai un passé. Il y a là une ambiguïté de la mémoire qui est à la fois résurrection du passé et position du passé comme passé.
La mémoire est comme la résurrection d’un passé dont on sait qu’il est révolu. Et c’est précisément parce que le présent ne cesse de passer que l’on peut expliquer la nécessité de la mémoire. L’homme pourrait-il vivre sans conscience du passé ? « Le propre de la mémoire est d’apporter dans notre expérience le sens du passé. L’actualité de notre expérience temporelle se situe