Mexico, un enfer urbain ?
A mains nues, ces scaphandriers débouchent les égouts de la capitale. Jour et nuit, ils plongent dans les eaux noires de ce cloaque effarant où ils ont rendez-vous avec la mort De notre envoyé spécial au Mexique
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Ils vivent dans un ventre. Un ventre infecté, fétide, grouillant de vermine et de miasmes, charriant tous les restes et les abats du monde. Un ventre glacé, dangereux, sombre comme une tombe, où les morts vous effleurent et parfois vous emportent avec eux dans le fil du courant. Ils vivent dans un ventre cauchemardesque, purulent, incurable, qui sans cesse se vide et se vide encore, et lentement les dévore. Ils sont quatre. Quatre hommes minuscules, qui de nuit comme de jour plongent dans ces milliers de kilomètres d’entrailles où vous ne jetteriez même pas vos pires souvenirs. Ensuite, lestés de plomb, ils avancent à tâtons dans ces déjections liquides et noires pour déboucher à mains nues les afflux de matières, de cadavres et de carcasses inimaginables mettant sans cesse en occlusion ce long intestin urbain qui n’en peut plus de digérer les ripailles des hommes. Nous sommes bien là à l’extrême limite de l’humanité, à 2200 mètres d’altitude mais surtout à cent pieds sous terre, dans les égouts profonds de Mexico City. Ce qui se passe là-dessous, ce que l’on y retrouve, ce que l’on en remonte, vous ne l’avez jamais imaginé.
Et même Julio Cu, Luis Conarubias, Carlos Barios et Ricardo Vesquez, seuls plongeurs au monde à descendre aussi profond dans l’abjection, ont parfois du mal à s’habituer aux turpitudes irrationnelles de cet abdomen. Chirurgiens de la misère, ils gagnent tout juste de quoi s’en extraire. Le temps de s’habiller dignement. De prendre un repas en famille. Et puis le téléphone sonne. Et c’est toujours la même histoire. Le «monstre», comme